Leïla Shahshahani
journaliste indépendante

ACTUS  
 

Cinéma de montagne 2006 : le divorce Autrans - Grenoble

En 1999, la ville de Grenoble, en partenariat avec le Festival international du film de montagne d’Autrans, décidait de projeter dans diverses salles de Grenoble, puis au CRDP (centre régional de documentation pédagogique), une sélection de films montrés à Autrans quelques jours plus tôt.
Rapidement, la salle du CRDP ne fut plus en mesure de contenir tous les spectateurs. Malgré des soirées prolongées avec double projection, la ville décida de trouver un lieu plus grand. Depuis 2005, les Rencontres du Cinéma de Montagne se déroulent dans la salle grenobloise d’Alpes Congrès, qui accueille un millier de personnes. Et la salle est là encore bien remplie, surtout lors de certaines soirées phares.

Car les Rencontres du Cinéma de Montagne ont pris de l’ampleur depuis l'année dernière, non seulement au niveau de l’audience, mais aussi de la programmation. Il ne s’agit plus simplement de projeter des films d'Autrans mais de développer un programme bien à part, en proposant par exemple des films inédits, ou des plateaux avec des invités « croustillants ». Avec une buvette au rez-de-chaussée pour « faciliter » les contacts.

Yves Exbrayat, directeur de la Maison de la Montagne de Grenoble, qui reconnaît que les Rencontres du cinéma de montagne ont vu le jour grâce au festival d'Autrans, ajoute : " Les films qui étaient projetés à Grenoble n'étaient pas forcément adaptés au public de la ville. Il nous fallait une programmation plus dynamique. Aujourd'hui, nous n'avons plus besoin d'Autrans, nous cherchons nous même nos films et nos idées. Grenoble, ville de montagne, ne pouvait se contenter de présenter un sous-produit d'Autrans".
Outre une tendance au "moins ethno, plus sportif", l'objectif des Rencontres est de proposer des soirées thématiques où les acteurs des films sont présents dans la salle pour échanger avec le public. C'était le cas l'année dernière avec la présence notamment de Mike Horn, Jean Troillet, Lionel Daudet. Et ce sera aussi le cas cette année avec la présence programmée de la grimpeuse américaine Lynn Hill, entre autres. "Présenter des films dont nous ne connaissons et ne connaîtrons jamais les protagonistes ne nous intéresse pas", ajoute Yves Exbrayat. Car il s'agit bien là de "Rencontres" et non de festival, précise-t-il encore : "Nous ne mettons pas les films en compétition et ne décernons aucun prix".

Et Autrans dans tout ça ? Les Rencontres de Grenoble tournent non seulement en roues libres, mais elles pourraient même faire de l’ombre au festival d’Autrans, notamment auprès d’un public grenoblois qui trouve sur place, et gratuitement, une dose suffisante de films dédiés à la montagne.

Du côté de la Ville de Grenoble, qui dans l'histoire a la part belle, Alain Pilaud, adjoint au Maire en charge des sports et de la montagne, joue la carte de l’apaisement. « Pour éviter toute forme de concurrence avec Autrans, nous essayons de projeter des films différents, notamment en faisant appel à une production locale (ndlr : Seven Doc, Migoo, C. Raylat...). Au niveau de la date aussi, nous avons laissé trois semaines d’écart entre les deux événements ». Et pour la première fois en 2006, les Rencontres du Cinéma de Montagne auront lieu avant le festival d’Autrans. Et si un réalisateur souhaite voir son film projeté aux deux événements ? « Ca ne nous pose aucun problème, assure Alain Pilaud, mais en revanche il lui faudra demander l’autorisation d’Autrans ». Cette année, seuls deux films seront présentés à la fois à Grenoble et à Autrans (Un désert Vertical, de D. Du Lac, et Amazonian Vertigo de E. Wendenbaum).

Du côté du festival d’Autrans, on est un peu sur la défensive, du moins au bureau de l’attachée de presse, puisque Mireille Chiocca, directrice du festival depuis sa création, ne semble pas joignable pour le moment. On assure qu’il n’y a pas matière à parler de concurrence entre Grenoble et Autrans : « Nous sommes totalement différents de Grenoble, nous avons notre identité propre. Nous sommes l’unique représentation française au sein de l’Alliance Internationale pour le film de Montagne (ndlr : qui compte 16 festivals de 13 pays différents) et vous verrez chez nous des films que vous ne verrez jamais ailleurs. Nous présentons aussi des films de fiction, comme La Marche de l’Empereur par exemple, contrairement aux Rencontres de Grenoble. Enfin, notre public est beaucoup plus large que le seul public grenoblois, il vient de Suisse, d’Italie, et reste souvent à la semaine ». « C’est la première année qu’Autrans et Grenoble vivent une histoire séparée, puisque Grenoble a décidé de faire son propre événement, et il sera toujours temps de faire le point au terme des deux événements, après le 10 décembre », ajoute-t-on au bureau du festival d’Autrans.

Bref, où est le problème ? Certains diront pourtant que Grenoble n’a pas été« fairplay » avec Autrans, en lui volant peu à peu la vedette, en tout cas auprès des Grenoblois ; d’autres au contraire diront qu’Autrans n’avait qu’à renouveler davantage son image un peu vieillotte… Il sera toujours temps d’en reparler et de juger sur pièce :

Programme des 8èmes Rencontres du cinéma de montagne à Grenoble (13-17 novembre)
Programme du 23ème Festival du film international de montagne d’Autrans (6-10 décembre).